Depuis le colloque de Bavay et Mons en 1982, dédié aux fortifications de l’âge du Fer, aucun colloque de l’AFEAF n’a spécifiquement traité de la question des espaces fortifiés à l’échelle européenne. Cette thématique, fondatrice de l’archéologie protohistorique en Europe, a vu les fondements méthodologiques qui la caractérisent dès les prémices de la discipline au XIXe siècle évoluer considérablement. Depuis les premières fouilles sur les grands sites de la Guerre des Gaules, conduites sous l’impulsion de Napoléon III, en passant par les inventaires généralisés en Europe au début du XXe siècle — on peut citer par exemple le travail de la Commission des Enceintes de la Société Préhistorique Française en France, celui de la Royal commission of Ancients Monuments en Grande-Bretagne ou encore les recensions des Ringwälle en Allemagne — jusqu’au développement de l’archéologie préventive qui les éclaire d’un jour nouveau, l’appréciation de ce type de site, comme la façon de les aborder, a fondamentalement évolué. Cette évolution a notamment été favorisée par la mise en œuvre d’approches intégrées pluri-disciplinaires, associant différentes méthodes d’investigation non destructives (géophysique, Lidar ou télédétection), sondages ciblés et fouilles extensives. Depuis plusieurs années, on note le développement de programmes de recherche, qui traitent aussi bien des fortifications en tant que telles que de corpus de sites à l’échelle régionale ou nationale. Ces travaux permettent donc de disposer, en Europe, d’une documentation renouvelée et de qualité concernant ces sites fortifiés. En effet, l’étude des systèmes défensifs, autrefois souvent exclusive, est complétée par des fouilles extensives qui permettent de mieux en appréhender l’attribution chronologique, l’organisation intra- et extramuros ou la fonction des sites. Plus largement, le développement de l’archéologie porte également un regard neuf sur ces fortifications en les insérant dans leur contexte territorial.
Au regard de ces avancées, il a semblé nécessaire de dresser un bilan consacré à ces espaces fortifiés dont le rôle peut être appréhendé différemment à l’aune du renouvellement considérable de la documentation depuis quelques années. Le cadre chronologique du colloque s’inscrit volontairement dans le temps long au sein d’une problématique diachronique évoluant depuis la fin de l’âge du Bronze jusqu’à la romanisation. Ce champ chronologique étendu présente le principal avantage de documenter l’évolution des occupations sur près d’un millénaire et permet de caractériser la trajectoire des sites fortifiés (rythmes d’occupation et d’abandon) et les modifications touchant à leur fonction. D’un point de vue géographique, il est apparu nécessaire de s’affranchir des limites propres aux grands domaines culturels spécifiques à chacune des séquences chronologiques traitées en intégrant l’ensemble des données européennes, des Carpates aux îles Britanniques et des rives sud de la Baltique à celles de la Méditerranée.
Plusieurs axes de la recherche actuelle ont été traités au cours du colloque dans lesquels s’insèrent aussi bien des synthèses régionales que des communications à la vocation plus précise. Les débats sont organisés selon trois thèmes principaux qui reprennent les grandes problématiques actuellement développées dans la recherche européenne dédiée aux espaces fortifiés à l’âge du Fer.
Thème 1 : Architecture, typologie, topographie et fonctions des systèmes défensifs Depuis les débuts des recherches conduites sur les espaces fortifiés, les systèmes défensifs sont souvent les éléments les mieux documentés, que ce soit au niveau de leur architecture ou de leur insertion dans le paysage. Les données récentes les concernant permettent aujourd’hui de mieux comprendre les techniques et savoir-faire mis en œuvre, les modifications subies au cours du temps, les nécessaires adaptations locales au terrain, etc. Tout ceci invite à interroger ou affiner les techno-typologies et les typo-chronologies existantes. De nouvelles réflexions portant sur les moyens mobilisés pour la construction de ces systèmes défensifs et de leurs dispositifs d’accès ainsi que sur leurs fonctions (dimensions militaires, symboliques ou de prestige…) sont ainsi proposées.
Thème 2 : Organisation, environnement immédiat et fonctions des espaces fortifiés La conduite de fouilles extensives, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’emprise circonscrite par les aménagements défensifs, s’est développée ces dernières décennies. Il semble dorénavant possible de déterminer plus précisément l’organisation des différents sites fortifiés, leur environnement immédiat (présence d’un faubourg, d’un site satellite, d’une nécropole…). Le caractère militaire, économique, politique ou rituel des activités attestées dans ces espaces est ici interrogé. Tous ces éléments peuvent déboucher, in fine, sur une réflexion portant sur la nature et la fonction des sites fortifiés.
Thème 3 : Insertion spatiale des espaces fortifiés et dynamique chronologique Le développement de l’archéologie préventive et des enquêtes programmées micro-régionales permet de connaître, dans certaines zones, le maillage des occupations contemporaines des sites fortifiés et les liens existant entre eux. Avec l’appui des outils SIG, cette documentation offre la possibilité de mieux appréhender les rapports qu’ils entretenaient avec le paysage et les interactions avec leur environnement. Leur insertion dans les organisations territoriales ou économiques des sociétés de l’âge du Fer ou encore dans les paysages ritualisés peuvent être précisées. Les configurations spatiales et les dynamiques chronologiques mises en évidence doivent être discutées, in fine, en considérant d’autres champs de l’archéologie et de l’histoire (climat, évolution socio-économique, évènements historiques, etc.).
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